Fraudes financières

Les escrocs ont le champ libre

Les voyous ne manquent pas d’imagination pour nous voler de l’argent. Tous les moyens sont bons : au téléphone, par courriel, par texto, avec de faux magasins en ligne, par Interac, avec nos cartes de crédit. Des escrocs ont même eu l’audace de vider des comptes REEE chez Kaleido (anciennement Universitas), au début de l’année. D’autres vendent des maisons à l’insu de leur propriétaire.

UN DOSSIER DE notre chroniqueuse MARIE-EVE FOURNIER

Fraudes financières

Peut-on compter sur les policiers ?

Ce n’est pas pour rien que 86 % des Canadiens disent en avoir assez de devoir être à l’affût des possibles escroqueries, selon un récent sondage de la RBC. On a autre chose à faire dans la vie que se méfier constamment… Mais on n’a pas le choix.

Il fut un temps où on craignait de se faire voler notre portefeuille par un pickpocket. En 2023, on doit savoir détecter les appels, les sites et les messages frauduleux. On doit surveiller de près les virements Interac dans son compte de banque et les achats sur son relevé de carte de crédit.

Le premier problème, c’est que les tactiques changent constamment et qu’elles se raffinent. Résultat : même les plus malins ne sont pas à l’abri. Le second, c’est que le nombre de fraudes explose constamment et que rien ni personne ne semble capable de renverser la tendance.

On connaît tous une victime. Généralement, son récit se conclut par une phrase du genre : « Je suis allé voir la police, mais ça n’a rien donné… »

Force est de constater que ceux qui s’amusent à voler nos économies sont très peu nombreux à faire la une des journaux et à prendre le chemin de la prison. C’est à se demander s’ils agissent en toute impunité et si l’on peut réellement compter sur les policiers pour nous protéger de toutes ces arnaques.

Ces derniers mois, j’ai recueilli des témoignages de personnes fraudées abasourdies d’apprendre que la police n’interviendrait pas. Un Montréalais a offert aux policiers un escroc sur un plateau d’argent (voir onglet 3), mais ils n’ont pas voulu se déplacer pour le cueillir. Un petit détaillant qui s’est fait voler tous les profits de son année a donné des bandes vidéo, une adresse et un numéro de téléphone aux policiers… qui n’ont pas enquêté.

Les fraudeurs ont-ils le champ libre ou on leur met de sérieux bâtons dans les roues ?

Pour en avoir le cœur net, j’ai rencontré le commandant Steve Belzil, qui dirige l’équipe de 48 personnes spécialisées dans les crimes économiques au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). D’abord, la base : combien d’enquêtes ses troupes mènent-elles, bon an, mal an ? Combien d’arrestations effectuent-elles ? Il l’ignorait.

Combien de dossiers finissent par se retrouver sur le bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin que des accusations criminelles soient portées ? Le SPVM ne le sait pas non plus. Steve Belzil m’a suggéré de poser la question au DPCP… qui a été incapable d’extraire cette information de sa base de données.

Le DPCP a transmis ma demande au ministère de la Justice qui, après trois semaines, n’était toujours pas en mesure de fournir un seul chiffre concernant les dossiers de fraudes financières entendus par les tribunaux en 2022. Le nombre de procès tenus, d’aveux de culpabilité obtenus et de personnes ayant été reconnues coupables demeure donc un mystère.

Le Service de police de Laval (SPL) a précisé qu’il avait transmis 152 dossiers au DPCP, l’an dernier.

Les données manquent, mais il est clair que le nombre de procès est très loin de la quantité de plaintes reçues. À lui seul, l’an dernier, le SPVM en a comptabilisé 9500, soit 26 par jour. Le SPL affirme que 1437 plaintes lui ont été transmises. À la Sûreté du Québec, on parle de 11 379 signalements pour des fraudes en tous genres, ce qui inclut celles touchant le passeport vaccinal.

Devant une telle pluie d’escroqueries, il faut forcément faire des choix. Impossible de courir après tous les fraudeurs.

Steve Belzil explique que ses troupes privilégient les dossiers touchant « des personnes vulnérables, soit les personnes âgées et les jeunes », ainsi que ceux liés au crime organisé.

Pas d’enquête en cas de remboursement

La somme volée ne fait pas partie des critères pour allouer ou non des ressources à une enquête, jure-t-il. Sauf si le montant est de… zéro. « Lorsqu’un citoyen est remboursé [par sa banque], il faut qu’on le sache. Ça devient non prioritaire pour nous. Ces dossiers-là, on les met de côté », indique le représentant des forces de l’ordre. À Laval, les policiers ne prennent même pas les dépositions des personnes qui ont récupéré leur argent. Car on estime qu’elles ne sont pas des victimes. Et les institutions financières, qui sont les victimes, selon cette logique, ne portent à peu près jamais plainte.

Ceux qui ont vidé les comptes REEE chez Kaleido1 pourraient donc, théoriquement, répéter leur petit manège puisque les parents visés ont récupéré leur argent.

Cet argument du remboursement est discutable, puisqu’un crime a bel et bien été commis et les fraudeurs pourraient récidiver avec les informations personnelles volées, croit Fyscillia Ream, coordonnatrice scientifique à la Chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité de l’Université de Montréal. « Quand 50 personnes signalent la même fraude, il devrait y avoir un minimum d’enquête pour démanteler le réseau. La police est un service public payé par nos impôts et ce qui nous touche présentement, ce sont les fraudes en ligne. »

De plus, « certaines victimes veulent poursuivre les responsables en justice. Elles ont besoin de faire condamner quelqu’un. C’est là que la police échoue », dit l’experte.

Puisque le SPVM ne sait pas combien de fraudeurs il réussit à faire punir, comment mesure-t-il l’efficacité de ses employés et de leurs méthodes de travail ? « Il n’y a pas vraiment d’unité de mesure. C’est dur, en enquête, d’avoir des unités de mesure parce qu’un dossier peut prendre une journée à régler, quatre mois, six mois, un an », répond le commandant Steve Belzil. Mais chose certaine, ce n’est pas évident de suivre la vitesse folle à laquelle les fraudeurs développent de nouvelles stratégies grâce à la technologie. La police a parfois l’impression de rouler dans une berline qui arrête aux feux rouges, tandis que les arnaqueurs sont assis dans des voitures de formule 1 qui brûlent tous les feux.

31 %

Proportion des gens qui seraient trop gênés pour dévoiler à qui que ce soit qu'ils ont été victimes d’une fraude ou d’une escroquerie. La proportion bondit à 66 % dans la génération Z et à 44 % chez les millénariaux.

Source : Banque TD, février 2023

Dossiers de fraude traités à Montréal et à Laval

Police de Montréal

Fraudes déclarées :

2019 : 9072

2020 : 9200

2021 : 8737

2022 : 9500

Enquêtes effectuées : n.d.

Dossiers transmis au DPCP : n.d.

Police de Laval

Fraudes déclarées :

2019 : 1001

2020 : 1256

2021 : 1462

2022 : 1437

Dossiers soumis au DPCP :

2018 : 145

2019 : 139

2020 : 214

2021 : 137

2022 : 152

En chiffres

14 % des Québécois pensent que la fraude n’arrive qu’aux autres, pas à eux (moyenne canadienne : 23 %)

62 % des Québécois craignent d’avoir plus de difficulté à repérer les signes de fraude en vieillissant (moyenne canadienne : 71 %)

25 % des Québécois disent avoir été victimes d’une fraude ou d’une escroquerie (moyenne canadienne : 23 %)

Source : RBC, février 2023

97 % des Canadiens se sentent vulnérables à la fraude et au vol d’identité

42 % des Canadiens estiment que Facebook est le réseau social présentant le risque le plus élevé de fraude ou de vol d’identité

6 % des hommes ne craignent jamais d’être la cible d’une fraude contre 2 % des femmes

19 % des Québécois se sentent vulnérables à la fraude lorsqu'ils utilisent les reéseaux sociaux (reste du Canada : 30 %)

22 % des Québécois se sentent vulnérables à la fraude lorsqu'ils utilisent le WiFi en dehors du domicile (reste du Canada : 31 %)

Source : Equifax, février 2023

Un fraudeur sur un plateau d’argent qui n’intéresse pas la police

Pour les victimes qui rapportent une fraude aux policiers, c’est tout de même déconcertant de se faire dire que rien ne sera fait. Que les malfrats pourraient donc recommencer le lendemain, ou même dans l’heure qui suit.

L’histoire singulière de Philippe est particulièrement éloquente.

Fin décembre, le Montréalais reçoit un courriel de la Banque Royale l’avisant que la limite de sa carte de crédit a été atteinte. Deux transactions costaudes ont été portées à son compte. Voilà qui explique tout ! Des escrocs avaient acheté, sur Alfred.vin, un site québécois destiné aux collectionneurs de grands vins, trois Romanée-Conti à 2500 $ pièce.

Après avoir déclaré la fraude à sa banque, il appelle le commerçant qui a vendu les grands crus. « Merci, on allait justement procéder à la livraison ! », lui apprend-on. Philippe obtient alors l’adresse où le colis doit être acheminé. C’est dans une tour de bureaux du boulevard René-Lévesque, au centre-ville de Montréal. La boutique en ligne précise même à Philippe qu’elle a reçu un texto du fraudeur qui voulait faire accélérer la livraison. Le patron connaît donc le numéro de téléphone du fraudeur. Il lui a même parlé.

Philippe propose au marchand d’accompagner son livreur, avec des policiers, pour cueillir le voyou qui a utilisé sa carte de crédit. Il se rend donc au poste de quartier 35 pour mettre la police dans le coup. « La police m’a dit : “On ne s’occupe plus de ces cas-là. On n’en a plus les moyens” », s’étonne celui qui était fier d’offrir aux autorités un fraudeur « sur un plateau d’argent ».

En fait, la policière qui l’a accueilli n’a même pas voulu prendre la plainte, relate Philippe, car elle avait « beaucoup de rapports à remplir » ce jour-là et que « ça ne servait pas à grand-chose de toute manière ».

Le SPVM n’a pas voulu commenter ce cas précis, mais Steve Belzil n’a semblé ni étonné ni choqué par ce récit.

La livraison des bouteilles de collection n’a donc pas eu lieu. Grâce à la présence d’esprit de Philippe, la petite entreprise Alfred a pu éviter une perte financière de 7500 $. Et Philippe n’a pas eu à payer la facture. Malgré tout, cette péripétie lui laisse un goût amer. « Ce qui m’a le plus choqué, en tant que citoyen, c’est la réaction de la police. Ils n’ont même pas pris la plainte. C’est une grosse fraude, quand même ! »

Malheureusement, toutes les histoires de fraude ne se terminent pas aussi bien pour les détaillants, comme vous le lirez mercredi.

La police de Montréal n’est pas davantage intervenue après avoir reçu la déposition d’Isabelle, en février. « On m’a répondu qu’il y avait beaucoup de fraudes. »

Dans un courriel très détaillé de cinq pages, la jeune professionnelle m’a décrit la fraude qui l’a privée de 167 $. Ce n’est pas la mer à boire, mais ça aurait pu être 1670 $ ou 16 700 $, n’eût été sa rapidité à réagir. Isabelle souhaitait la tenue d’une enquête policière non pas pour ravoir son argent, mais « parce que le fraudeur fait sûrement partie d’un réseau très bien organisé qui va continuer de frauder de nombreuses personnes ».

Sur l’heure du souper, Isabelle voit le numéro 1 888 826-4372 apparaître sur son téléphone. L’homme, « qui s’exprime bien », dit travailler pour le service de la sécurité chez Tangerine. Il l’informe que deux transactions douteuses ont été détectées sur sa Mastercard, dans un Petro-Canada et un Dollarama de Toronto. « Je confirme que je n’ai pas fait ces transactions. Il me dit que je vais recevoir des codes par téléphone pour les annuler. Je lui donne les codes. Il m’informe que je recevrai une nouvelle carte dans une dizaine de jours. »

Sans le savoir, Isabelle a été victime de la fraude du faux représentant, très populaire ces temps-ci.

Selon le SPVM, les arnaqueurs visent traditionnellement les personnes âgées et leur demandent le NIP associé à leur carte de crédit avant de se présenter à leur domicile pour la récupérer. Cette fois, le prétendu employé a plutôt utilisé le code transmis par texto par Tangerine pour changer le NIP d’Isabelle et accéder à son compte en ligne. Selon toute vraisemblance, cela lui a permis d’entrer, dans Apple Pay, les données de sa carte de crédit et de faire trois achats totalisant 167 $ chez Jean Coutu. Tout cela en 16 minutes.

Si Isabelle n’avait pas communiqué aussi vite que possible avec Tangerine, l’escroc aurait pu vider son compte chèques, son compte épargne et peut-être son CELI. Il avait en sa possession son nom, son adresse, son numéro de téléphone, son numéro de carte de crédit et son numéro de client Tangerine, ce qui laisse croire à un vol de données.

Mais Isabelle ne sera pas indemnisée : Tangerine la tient responsable de sa perte étant donné qu’elle a fourni au fraudeur les codes reçus par texto. Tout comme Philippe, elle est déçue que les policiers n’aient pas levé le petit doigt pour retrouver les fraudeurs qui risquent de faire des tas d’autres victimes.

À défaut d’avoir pu convaincre les policiers d’agir, elle espère que son témoignage évitera à d’autres de tomber dans le panneau. Puisqu’elle se considère comme une personne vigilante et allumée, son histoire lui a fait réaliser que le cliché selon lequel personne n’est à l’abri est bel et bien vrai.

Qui d’autre pourrait nous protéger ?

Mathieu n’est pas très impressionné par le service offert par sa banque à la suite de cinq virements Interac frauduleux qui ont réduit le solde de son compte de banque de près de 2500 $, début mars. La somme a été transférée chez Gigadat, une entreprise de solutions bancaires en ligne établie à Winnipeg qui accumule les mauvais commentaires en ligne.

Il se demande comment sa banque a pu permettre cinq virements consécutifs et pourquoi il n’a pas eu à donner son approbation au moyen d’un code reçu par texto, par exemple, avant que l’argent sorte de son compte.

Mathieu se questionne aussi sur le blocage des transactions par Interac dans son compte pendant l’enquête qui a duré 56 jours. « J’avoue être à la fois déçu et surpris. Le site de BMO a une faille qui fait en sorte qu’on me dérobe 2476 $ et l’aide de BMO est le gel de mes opérations… »

Les impacts ont été mitigés, mais le quadragénaire a tout de même cessé de recevoir les sommes qu’on lui transférait par Interac sans en être avisé. Isabelle a été moins chanceuse : le gel de son compte l’a empêché de toucher sa paie. De plus, le prélèvement automatique de ses charges de copropriété a rebondi, ce qui a entraîné des frais. Elle a ensuite passé « beaucoup de temps au téléphone » pour éviter que d’autres paiements ne passent pas, ce qui aurait nui à sa cote de crédit.

« Je réalise qu’il faut avoir de l’argent de côté, car les banques ne prévoient aucun mécanisme pour aider leurs clients qui sont victimes de fraude ! », s’étonne Mathieu.

Expert en prévention de la fraude et vice-président Produits et risques chez GeoComply, Simon Marchand croit que les banques ne sentent pas suffisamment de pression de la part du public et du régulateur pour accroître la sécurité.

« La technologie existe, mais elle n’est pas déployée là où elle devrait l’être, déplore-t-il. Et les banques se déresponsabilisent assez vite lorsqu’il est question de piratage et de transfert de fonds. On met l’odieux sur la victime de prouver son innocence, alors que s’il y a un hold-up dans la banque, on ne va pas tenir les clients responsables de l’argent qui est sorti de la chambre forte. La responsabilité de sécuriser les avoirs, c’est aussi sur le web, dans les applications et les transferts. Mais aujourd’hui, ça ne se fait pas, essentiellement pour des raisons financières. »

Cela dit, « envoyer un code par texto, c’est un gros non », continue Simon Marchand, car les fraudeurs « peuvent facilement intercepter un texto » au moyen de diverses méthodes qui se raffinent sans cesse.

Malgré les lacunes, les banques sont loin de rembourser les pertes automatiquement. Ces derniers mois, le Journal de Montréal a rapporté une série d’histoires de clients de la BMO qui s’étaient fait vider leur compte à coups de virements Interac pouvant atteindre 10 000 $. Des victimes se sont fait dire qu’elles ne reverraient pas leur argent puisqu’elles avaient contribué à l’utilisation non autorisée de leur compte en omettant de protéger leur carte débit et leur NIP.

Même dans l’histoire du « mégavol » de données chez Desjardins qui a touché 9,7 millions de personnes, les victimes peinent à obtenir l’indemnité de 1000 $ qui leur est due. Cette somme est pourtant inscrite dans l’entente conclue dans le cadre d’une action collective qui a été intentée.

Le Devoir a rapporté en janvier que le processus de réclamation est pénible, au point que de nombreuses personnes abandonnent. Des victimes ont essuyé des refus sous prétexte que leurs preuves n’étaient pas suffisantes, même si l’Agence du revenu du Canada (ARC) a reconnu que des demandes frauduleuses de PCU avaient été faites en leur nom. À ce jour, aucune accusation criminelle n’a été portée contre quiconque dans cette affaire.

***

De son côté, Québec tente de réduire le nombre de fraudes à la source. Depuis le 1er février, le gouvernement force les agences de crédit à permettre aux Québécois d’activer un « gel de sécurité » dans leur dossier de crédit chez Equifax et TransUnion.

Cette manœuvre permet d’éviter que des fraudeurs demandent un prêt ou une carte de crédit avec notre identité, car Equifax et TransUnion perdent ainsi le droit de communiquer vos renseignements aux prêteurs. Cela leur permet de comprendre que vous ne cherchez pas de nouveau crédit. L’effet est limité, mais c’est mieux que rien… si on arrive à faire activer le « gel ». Des lecteurs de La Presse m’ont raconté que ce n’était pas évident à faire.

Selon le Centre antifraude du Canada, les pertes financières liées aux fraudes ont atteint 531 millions en 2022.

Si l’ampleur du phénomène est manifeste, la vigueur des efforts pour l’enrayer l’est moins. Avec raison, les victimes se sentent laissées à elles-mêmes, malgré des impacts parfois majeurs dans leur vie.

« La fraude, c’est une menace qui pend au-dessus de nous comme une épée de Damoclès. Oui, il faut être vigilant, mais de l’autre côté, rien n’est fait pour nous protéger », conclut Fyscillia Ream. Pendant ce temps, les fraudeurs jouent d’audace et multiplient les attaques à nos dépens.

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